Le soir du 31 décembre 1913, un incendie détruit entièrement le Château Tate (parfois orthographié Tait) situé près de l’actuel parc Clément-Jetté sud. On découvre rapidement qu’il s’agit d’un incendie criminel.
L’histoire de la propriété remonte à 1897, lorsqu’Ella Perkins fait don du lot 400-A et d’une maison à sa cousine Frederica Tate, fille de George Henry Tate et d’Harriett Rickard (née Henriette Ricard). Le terrain, qu’elle avait acheté en 1894 à Pierre Bernard alors qu’il était encore vacant, est donc bâti à son initiative, et la demeure prend le nom de Villa Jolie. À cette époque, George Henry Tate est copropriétaire, avec son frère William, d’un chantier naval le long du canal Lachine.
Devenue veuve avant 1900, Harriet Rickard, qui est une excellente musiciennem, passe ses hivers à New York où elle donne des cours de piano. À l’automne 1913, avant son départ pour les États-Unis, elle confie la garde du château et des travaux de rénovation à un employé, Gerald C. W. Rickard, assisté d’un jeune homme nommé D. Roseburgh. Après l’incendie, les deux disparaissent.
Des traces d’accélérant sont retrouvées dans les décombres, ce qui confirme rapidement la piste criminelle. On découvre aussi un cadavre carbonisé, ce qui nourrit une foule de rumeurs : certains affirment que Roseburgh était en réalité une jeune femme déguisée en homme, d’autres soutiennent que la victime serait un ancien domestique noir, ou encore un mystérieux “vieux Pitre”, vétéran canadien de la guerre de Sécession. Une rumeur tenace prétend même qu’un fugitif aurait été jeté au fond du puits du château. Le délai de plus de cinq mois avant la tenue de l’enquête du coroner, en juin 1914, laisse le champ libre à toutes les spéculations.
Lorsque l’enquête a finalement lieu, elle confirme la présence d’accélérant, l’identité des deux occupants et conclut que le corps retrouvé est vraisemblablement celui de Roseburgh. Gerald C. W. Rickard est alors accusé in abstentia d’incendie criminel, de meurtre et d’usage de faux, lui qui avait échangé la veille un chèque sans fonds pour se procurer du pétrole. Malgré l’ampleur de l’affaire, Mme Tate décide de reconstruire sur les ruines du château, faisant ériger un bungalow au fond du terrain, à l’adresse 8818, rue Notre-Dame Est.
Après le décès d’Harriet Rickard en 1937, l’immeuble est saisi pour non-paiement de taxes, vendu à l’encan, puis loué quelque temps comme chalet en bordure du fleuve. En 1955, la propriété passe aux Pères Oblats, qui construisent un nouvel édifice en façade, au 8844, Notre-Dame Est. Celui-ci est vendu à la Ville de Montréal en 1962 pour la somme symbolique de 1 $. L’édifice existe toujours aujourd’hui.
Auteur : André Cousineau
Publication originale : Facebook, Atelier d'histoire Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, 29 octobre 2025
Image : Photo du château Tait. Si les personnages devant la résidence sont George Henry Tate et Harriet Rickard, la photo daterait d'entre 1897 et 1900. Source inconnue
